Mon « entrepreneur crush » de la semaine est Sarah Diouf.
Je penses que son travail n’est plus à présenter. La plupart des gens ont déjà vu ses créations portées par plusieurs artistes, notamment par une des plus puissantes stars de la musique, Beyonce.
« À seulement 28 ans, la jeune seriale-entrepreneuse s’est positionnée dans l’industrie de la mode comme une des figures incontournables, ceci grâce à une stratégie 100% digitale ».
ELLE CI
SARAH
Fondatrice de la marque Tongoro, cette jeune femme de 28 ans est née en France et a grandi à Abidjan. Née dun père sénégalo-congolais et d’une mère centrafricaine, cette mixité culturelle influence grandement son travail aujourd’hui. Elle a étudié en Communication et en techniques de commercialisation en France. Elle a acquis durant la même période une certaine expérience professionnelle dans plusieurs entreprises telles que Marc Jacobs, Publicis Communications, etc…
Bien avant Tongoro, elle a eu a lancer plusieurs projets, dont le magazine Ghubar en 2009, magazine de mode digital qui valorise la beauté noire.
Grâce à son travail en tant que fondatrice et rédactrice en chef, elle remporte le Cosmopolitan Style Awards en 2010.
Elle lance un deuxième magazine en 2015: le magazine Noir sur la mode, la beauté et le lifestyle africain ainsi que Ifren Media Group, agence créative spécialisée en communication visuelle et digitale.
C’est à cette même période qu’elle démarre avec Tongoro, une marque 100% made in Africa. Le mot « Tongoro » vient du Sango, langue nationale de la République Centrafricaine, qui signifie Les Étoiles.
TONGORO
« Tongoro » est une marque dont les produits offrent aux consommateurs soucieux de leur style, qualité, variété et commodité à des prix abordables. En s’approvisionnant sur le continent et en travaillant avec des tailleurs locaux, l’objectif à long terme est de contribuer au développement de la production de détail en Afrique de l’Ouest, avec leur premier atelier à Dakar, au Sénégal.
Assez parlé, voici un interview de Sarah pour ELLE CI, que j’ai adoré lire, et qui permet de mieux comprendre la marque et la Boss qui est derrière.
L'INTERVIEW
Interview Sarah Diouf, figure incontournable de la mode Africaine
Qui est Sarah Diouf ? Si vous étiez devant une assemblée et que l’on vous demandait de vous présenter, qu'est ce que vous diriez sur vous ?
Je commencerai par dire mon nom.
Je suis Sarah Diouf, je suis une entrepreneure. J’ai lancé un label qui s’appelle Tongoro qui est une plateforme de vente en ligne qui promeut la production artisanale locale Sénégalaise et le Made In Africa. Mon objectif avec la marque, c’est de mettre en lumière les talents et le savoir faire Sénégalais à travers la création de maroquinerie et de confection.
J’ai lancé Tongoro en 2016 avec l’ambition de promouvoir le Made In Africa, je pense que c’est important de changer les perspectives internationales, globales sur la qualité de nos produits, parce que ça été une difficulté qu’on a rencontré énormément dans le secteur de la mode pour pouvoir faire exporter nos créations et aussi pour les faire accepter par nos voisins. L'objectif, c’est de montrer qu’on peut être une marque Africaine qui produit des vêtements de qualité, qui peut toucher une clientèle Africaine, mais aussi internationale.
Justement, quelles sont les difficultés pour une marque africaine quand elle veut s’imposer à travers et briser ces barrières que vous avez évoqué plus haut?
Alors, je pense qu'un élément important dans l’expansion d’une marque c’est l'identité. Il faut savoir comment on se positionne sur un marché international. La compétition est rude! Aujourd'hui, il y a énormément de marques grâce à Internet, tout le monde devient entrepreneur, tout le monde peut lancer une activité. Il faut savoir identifier sa clientèle, connaître qui est le client, comment il agit dans l’espace global. Aussi, je pense que c’est important de trouver son positionnement et se demander si on est une marque de niche qui va parler seulement à un certain type de clientèle ou est ce que l’on veut entrer en compétition avec des marques comm H&M, Zara, ou on si l’on veut faire du luxe. Il y a beaucoup d’éléments qui entrent en jeu. Mais connaître son identité, défini tous ces éléments. C’est quelque chose sur laquelle Tongoro, mais pas mal de marques doivent encore travailler.
Puisqu’on évoque le positionnement, quel est celui de la marque Tongoro ?
Quand j’ai lancé Tongoro, mon ambition était de la positionner comme une marque premium, mais accessible. Donc, je produisais au Sénégal, mais, j’exportais tout en France pour pouvoir la livrer au niveau international parce que le système postal était un peu lent par rapport à ce qui est requis pour faire du e-commerce. Le business model de Tongoro, c’est un e-commerce, donc les gens achètent en ligne et ils sont livrés dans le monde entier.
Maintenant, la difficulté que j’ai pu rencontrer, c'était de mettre en place la plateforme. Je n’ai pas pu le faire directement du Sénégal, mais grâce aux plateformes comme DHL, Fedex, ces transporteurs qui peuvent nous permettre de faire du commerce international, c’est beaucoup plus simple. C’est ce qui m'a remotivé à relocaliser mon activité entièrement au Sénégal.
Dans votre intervention, vous parliez de la vague d’entrepreneurs nés grâce à Internet. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Je pense qu’Internet, a vraiment poussé les gens au summum de leur créativité. Aujourd'hui, tout le monde peut créer un espace sur internet pour exprimer sa créativité. On a tous une part de créativité en nous, après, est-ce qu'on a les armes pour transformer cette créativité en business ? Parce que c’est bien de lancer une marque, mais il faut penser au retour sur investissement, c’est du temps, de l’argent. Si on ne crée pas nous-même, on paye des gens pour le faire, il faut qu’ils soient payés à temps. Il y a énormément d’aspects. Il y a un aspect financier qui est réel. Et cet aspect, pas mal de créateurs qui omettent cela et qui le font plus pour le côté image que la partie tangible qui est le business. Moi ce n’est pas mon cas, je pense que le but et le positionnement de la marque fait en sorte que les gens puissent acheter, puissent tester le produit et se rendre compte que c’est un produit fini de qualité qui peut plaire.
Comment voyez-vous l'évolution de la marque dans cinq ans ?
J’ai commencé en 2016, en faisant de la sous-traitance. Je n’avais pas de tailleurs qui travaillaient pour moi, donc je travaillais avec des artisans indépendants. Aujourd'hui, j’ai deux tailleurs en interne, 3 avec qui je continue d’externaliser. Le but dans cinq ans, c’est d’en avoir entre 20 et 50. Et puis dans dix ans, avoir une unité de production, qui puisse rivaliser avec des producteurs industriels. Produire en masse pour desservir un maximum de clientèle.
Une chose aussi qui fait votre spécificité, ce sont vos imprimés. Le graphisme, la symétrie. Ils sont uniques. Est-ce que c’est quelque chose que vous faites faire également au Sénégal ?
Les imprimés, je les source localement. Je travaille avec de la soie, du coton, du polyester qui est importé du Maroc, de Turquie, de Chine...Un peu partout. Mais je fais travailler les vendeurs de textiles locaux parce que je pense qu’il n'y a pas beaucoup de gens qui utilisent sur place. Au Sénégal, on a une culture très traditionnelle quand il s'agit du vêtement. Moi, j'essaie de les travailler de manière moderne. Et c’est dans le branding de la marque que je mets en avant le storytelling Africain.
Récemment, la chanteuse Beyoncé a porté vos créations à plusieurs reprises. Comment est-ce que cela a impacté votre marque ?
Je pense que cela a mis beaucoup de lumières sur la marque. L’impact en terme de vente a vraiment été bénéfique.
On vendait déjà à l’étranger parce que 70% de nos ventes proviennent des Etats-Unis aujourd'hui. Ma volonté est de développer la clientèle Africaine, parce que je pense qu’il y a un fort potentiel et beaucoup de choses à faire avec nos frères et sœurs. Mais, pour revenir à Beyoncé, elle a été une plateforme d’exposition impressionnante. L’impact en terme de vente a vraiment été bénéfique. Nos ventes ont été boostées pendant l’été dernier. Elle a porté les créations Tongoro 4 fois l’année derrière. Pour chaque apparition, il y a eu un retour considérable dans les ventes. Tous les créateurs ne peuvent que rêver d’avoir quelqu'un comme Beyoncé avoir un impact sur sa marque.
En tant que créatrice de mode, quel regard portez-vous sur l’évolution de la mode?
J’ai beaucoup observé le marché de la mode Africaine avant de me lancer. Ce que j’ai pu constater, c’est que la plupart des marques qui se lançaient se positionnaient sur un segment luxe. Alors que, quand on arrive avec un produit Africain et qu'on met en avant le Made In Africa, on va générer beaucoup de scepticisme. Les gens ne vont pas forcément adhérer tout de suite parce que l’image qu’ils ont de l’Afrique, c’est qu’on ne fait pas forcément des produits de bonnes qualités. Je me suis dit, si je fais quelque chose, il faut que ce soit rentable et pour que ce soit rentable, il faut que les gens puissent acheter. Et pour qu’ils puissent acheter, il faut qu’ils soient accessibles pour qu'ils puissent tester. Il y a toute une chaîne. Je pense que la mode Africaine a un fort potentiel, parce que la créativité qui émane du continent, moi je ne l'ai vu nulle part ailleurs. Je pense qu’il y a des cycles comme ça en mode. Pendant un moment, on a eu des vagues très asiatiques, afro-latines, là maintenant, c’est le moment de l’Afrique. Tous les créateurs qui souhaitent se lancer, qui souhaitent faire quelque chose doivent le faire.
Selon vous, pourquoi malgré cette créativité, ce potentiel, la mode en Afrique a toujours du mal à émerger ?
Le soutien financier, les structures. Il devrait avoir un Ministère de la Culture pour former aussi les créateurs. Ils ont de la créativité, ils créent, mais est-ce qu'ils arrivent à transformer cette créativité en quelque chose de tangible et lucratif pour eux. Pourquoi pas, un organisme qui accompagne justement tous les créatifs à rentabiliser leurs produits. On manque encore un tout petit peu de foi en la créativité Africaine. Pourtant, elle fait partie intégrante de notre culture.
Quel est le conseil que vous donneriez à quelqu’un qui veut se lancer dans la mode ?
Il faut commencer avec ce qu’on a, ou on est et quand on y est.
Il ne faut pas dire qu’on n'a pas assez d’argent et qu’on ne peut pas commencer. Si on est quelqu'un qui peint et qu’on a besoin d’une toile de 2 mètres par 4, il faut un petit peu d'économies pour commencer, mais je pense que l’aspect financier ne doit pas être un frein. Surtout, qu’il y a beaucoup de choses à réaliser avec très peu d’argent, avec toutes les ressources dont on dispose sur le continent.
La pire chose qui puisse arriver, c’est qu’on se trompe et qu’on se rate, au moins les choses auront été testées. Alors, on recommence et on repart de plus belle.
Avez-vous un mantra ? Une citation avec laquelle vous vous levez chaque matin ?
Il y a une phrase que j’aime bien, c’est : “ Si tu veux avoir ce que tu n’as jamais eu, il faut faire ce que tu n’as jamais fait.”
Tous les jours, c’est une source de motivation pour moi. J’ai souvent peur de tester de nouvelles choses. Et puis, je me dis, si je ne le fais pas, je ne saurai pas et puis, la pire chose qui puisse arriver, c’est, ce soit un échec. Et si ça échoue, je ne vais pas mourir.
Et si dans l’autre cas, ce qui en résulte est bien, j’ai tout à gagner.
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